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Veni, vidi, vinci
14 janvier 2007

Mémoires d'une Geisha

Date de sortie : 01 Mars 2006 Réalisé par Rob Marshall Avec Zhang Ziyi, Gong Li, Michelle Yeoh Film américain. Genre : Drame, Romance Durée : 2h 20min. Année de production : 2004 Titre original : Memories of a Geisha LA GEISHA SUR UN TOIT BRULANT Une musique orientalisante mystérieuse s'élève sur un paysage brumeux. Pour nous dévoiler l'Orient dans ce qu'il a de plus mystérieux, de plus raffiné, de plus secret, Rob Marshall s'est muni d'un lexique "Petit fûté" japonais-anglais, d'un conseiller métaphores, d'un conseiller lieux communs, d'un consultant éventail, d'un conseiller cerisiers en fleurs, d'un joueur de cithare couinante, d'un conseiller architecture du quartier des plaisirs, d'une voix-off. Mis à part un scénariste, donc, tout le monde était là pour créer Mémoires d'une Geisha . Sans complexes, avec la belle innocence des pionniers, Rob Marshall a choisi uniquement des acteurs Chinois (y compris le chien, un pékinois), provoquant un regain de tensions internationales entre ces deux pays qui n’avaient pas précisément besoin de ça. Mais c’est pour l’amour de l’art. Nous sommes au Japon , donc. Où exactement? Rob Marshall, qui a oublié son Atlas, se garde bien de nous le dire, et garde un silence prudent. Le film obéit à trois règles. Règle numéro un : les Japonais ne sont pas comme nous, heureusement ils parlent tous anglais, ce qui est bien sympathique de leur part. Règle numéro deux : les Japonais ne font pas un dialogue sans métaphore. Règle numéro trois : les ennuis arrivent quand il pleut. La geisha est interprétée pendant vingt minutes par une gamine stridente à qui on a mis des lentilles de contact : elle est censée avoir « les yeux couleur de pluie », et le casting s'extasie sur ses Freshlook tout en faisant des métaphores: « Chyio, tes yeux couleur de pluie montrent que tu as de l'eau en toi. L'eau est forte, qui peut se frayer un chemin entre les pierres, qui coule sans cesse, et que s'appellerio Quézac ». Vendue par ses parents pendant la scène initiale , Chyio n’est plus qu’un sombre écueil : elle va dans une oikya, une école de geisha. C'est-à-dire que les petites en sont à la théorie (lancer de l'éventail, sourire subtil visant à arrêter un homme d'un seul regard, course en soques), et pour la pratique c'est Gong Li, prénommée Mamamoto, une femme blessée par la vie -les geishas n'ont pas droit à l'amour- qui ramène de quoi manger. L'école est dirigée par une maquerelle sournoise qui fume la pipe sur les conseils du consultant pipe. La pipe n'est pas n'importe qui : elle a été formée par Stanislavski, et atteint une intensité rare dans les scènes de forte tension dramatique, en contemplant l'interlocuteur de la maquerelle de son petit oeil jaune. Badinage et persiflage sont les deux mamelles de la geisha. Elle doit également s'entraîner à arrêter les hommes d'un seul regard. Après avoir provoqué plusieurs accidents dans la rue, et envoyé une dizaine de figurants à l'hôpital par la seule force de ses yeux couleur de pluie, une geisha peut se dire prête. Jalouse, Gong Li déteste notre héroïne, n'a de cesse de la coincer entre deux tatamis pour lui susurrer des horreurs, et la fait fouetter dès qu'elle peut en éclatant d'un rire maniaque. Quelle race cruelle. L'air de rien, le metteur en scène écoule des stocks - shots de remontrances, de cerisiers en fleurs et de cours de cithare. L'apprentie geisha se sent une âme de Yamakasi et escalade les toits du quartier chaud pour retrouver sa sœur : c’est la geisha sur un toit glissant. Malheureusement, le conseiller toitures anciennes avait prévu le coup : avec l'aide du conseiller scènes dramatiques, il l'empêche d'aller plus loin, et elle glisse sur les toits mouillés. Pour la punir, la propriétaire la prive de cours d'éventail, de maintien sur chaussures compensées japonaises, de sourire subtil, de jeu à la cithare qui fait boing. Désespérée, elle pleure sur un pont. Elle croise Chow-Yun -Fat, président d'une compagnie d'électricité, qui lui offre un granité, et qui, épaulé par un conseiller métaphores déterminé , se lance dans une tirade sur les bienfaits de l'électricité qui ne peut exister sans l'eau. Après une demi-heure de réflexion intense, l'héroïne décide de se dire qu'il s'agit d'un compliment . L'horizon s'entrouvre pour Chyio, mais il faudra qu'elle attende la scène 30 pour devenir enfin une geisha, car elle doit contrer les projets de Gong Li, se faire adopter par la maquerelle pipelette pour hériter, vendre son mizuage (terme habilement conservé en japonais sur les conseils du consultant érotisme exotique) à l'encan , retrouver le président. Le conseiller métaphore ne se laisse pas distancer : « Que fait l'eau quand elle rencontre la pierre? La cuillère quand elle tape contre le bol? Le renard timide face au roseau croassant? A toi de réfléchir ». Mamamoto explose de fureur devant le triomphe de sa rivale. La geisha parvient enfin à évincer Gong Li, pour qui sonne le glas : les cheveux épars, Mamamoto dérape et s'enfonce dans les rues du quartier des plaisirs après avoir allumé le feu dans l'oikyia. Prévenus par le consultant incendie, les pensionnaires parviennent à sauver les kimonos précieux. La maquerelle adopte l'héroïne, laissant ainsi de côté une comparse nommée Citrouille (une idée lumineuse du conseiller onomastique, viré peu après), à qui la directrice de casting avait fait miroiter un rôle principal. La malheureuse, qui ne se doutait de rien, (même si son prénom aurait pu l'aiguiller), ignorait que les citrouilles ne se transforment pas en princesses, que les dés sont pipés, et jure de se venger, ce qu'elle fera dans la scène 35. Tout semble s'annoncer pour le mieux : il est fou, Afflelou, et toute la ville court après les yeux de l'héroïne. Un baron lubrique la coince chez lui sous le fallacieux prétexte de lui montrer sa collection de kimonos, on craint un instant une dévaluation du mizuage de l'héroïne à cause de sa réputation, mais tout s'arrange, et c'est finalement un docteur riche qui lance une OPA. Les cours des bourses restent stables. Cela dit, le conseiller lieux communs et la voix-off sont d'accords sur un point : devenir objet du désir fantasmatique de tous, c'est du boulot : entre les cours de peinture sur soie , et de peinture sur soi pour mettre le fard, la pose du rouge à lèvres et du goudron dans les cheveux, la geisha n'a pas une minute à elle. D'ailleurs « souffrance et beauté sont indissociables », affirme un figurant lors de son quart d'heure de gloire. On regrette que Rob Marshall n'ait pas médité davantage cette phrase. Heureusement, aidée par une armée de figurants dévoués et anonymes que nous remercions publiquement ici, la geisha est fin prête pour briser les cœurs. Malheureusement il n'y avait pas de module de géopolitique à l'école des geishas, et la guerre disperse ce monde de rêve : voilà la geisha obligée de travailler de ses mains, jusqu'à ce qu'on vienne la rechercher pour négocier un important contrat avec le colonel Derricks -aucun rapport-, un Américain. Le monde d'après-guerre a bien changé, ainsi que l'indique la bande originale, avec l'apparition d'un consultant jazzy, et chacun cherche sa geisha. Après d'autres aventures rythmées par des métaphores plus démentes que jamais, la geisha et le président se retrouvent sur un pont. La voix off prend alors conscience du fait que les geishas ne sont que des femmes de l'ombre et des objets du désir. Le conseiller métaphore donne tout ce qu'il a dans la scène finale, les cerisiers applaudissent. La pipe et Zhang Zihi sont toutes deux nominées à l'oscar de la meilleure actrice. Geisha ne va pas si mal, finalement.
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Commentaires
K
Evidemment, ces textes sont excellents et disent tout haut et de manière distinguée ce que je pense tout bas. C'est comme toujours très réussie, ton humour est infaillible. Aussi, pour me fair plaisir (et aux autres, je m'en porte garant) mettre en ligne "Get rich or va voir un autre film"... C'ets de loin le plus drôle (quoique Isolation est pas mal non plus !!)<br /> Bonne continuation dans la blogosphere
Veni, vidi, vinci
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